L’affaire
Baby loup : Décryptage
Que n’a-t-on écrit ou dit sur
la décision de la Cour de Cassation du 19 mars 2013 :
- Une décision "préoccupante" prédisant
une "explosion des revendications communautaires dans
l'entreprise", selon le conseil de l’association Baby Loup,
- un « profond
sentiment de tristesse » pour Alain Seksig, chargé de la mission laïcité au Haut
Conseil à l'intégration (HCI),
- une « mise en cause de la laïcité », selon Manuel Valls,
Ministre de l’intérieur.
Cela avec la nécessité pour
tous de faire appel au législateur, comme l’a estimé le président de l'UMP, Jean-François Copé, sur
iTéle. «ll y a un vide juridique sur
l'application de la laïcité dans certaines situations comme celle-là».
L’affaire : il s’agissait pour la Cour de
Cassation de se prononcer, en droit, sur la validité du licenciement
disciplinaire de la directrice adjointe de la crèche et halte-garderie gérée
par l’association Baby Loup financée à 80% par des deniers publics.
L'association Baby Loup a fait le pari d’œuvrer
en milieu défavorisé pour accueillir tous les enfants du quartier, sans distinction
d’opinions politiques, d’appartenance culturelle ou confessionnelle. Afin
d’assurer une démarche laïque, l’association qui ne gère pas un service public a
souhaité imposer à son personnel une neutralité identique à celle du service
public, en adoptant un règlement intérieur ainsi rédigé :
« Le principe de
la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne
peut faire obstacle au respect du principe de laïcité et de neutralité qui
s’applique dans l’ensemble des activités développées par Baby Loup.»
A son congé de maternité, la directrice adjointe a décidé de porter le
voile islamique, et c’est sur la base du règlement intérieur non respecté que
celle-ci a été licenciée pour faute grave.
La cour de Cassation était donc amenée, de par ce règlement intérieur à
l’origine du licenciement disciplinaire, à apprécier l’application du principe
de laïcité dans la sphère privée à savoir celle de l’entreprise ; et plus
exactement, dans la cadre d’une association dépourvue de gestion d’un service
public, et agissant dans le milieu particulier de la petite enfance.
Notre association a toujours été claire sur son objet : l’application
de la Loi du 9 décembre 1905 : « l’Eglise, chez elle, et l’Etat, chez
lui » ainsi que l’a si bien formulé Victor Hugo.
Sur le plan de la liberté de conscience, notre association a également fait
preuve de la même clarté : Dans l’espace de la puissance publique, le
principe de laïcité doit s’appliquer sans concession et doit même s’appliquer à
l’usager qu’est l’enfant qui se construit au sein de l’école de la République.
Pour le reste, nous avons estimé que le principe de laïcité qui garantie la
liberté de conscience ne pouvait s’imposer dans l’espace privé ou public à
savoir l’entreprise ou la rue.
Notre association est née en réaction d’un communautarisme remettant en
cause le principe de laïcité mais aussi en réaction aux revendications
électoralistes et populistes visant à laïciser l’entreprise et la rue.
Cependant, la décision de la Cour de cassation doit être appréciée à la
lueur de nos convictions et de notre idéal.
Le même jour, la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur le licenciement
d’une salariée de la CPAM, qui avait adopté le port d’un voile islamique sous
forme d’un bonnet. (Arrêt 537 du 19 mars 2013 – 12-11.690) ?
La Cour de Cassation a rappelé que « les principes de neutralité et de
laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publiques,
y compris lorsque ceux-ci sont assurés
par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du
travail ont vocation à s’appliquer aux agents des caisses primaires d’assurance
maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques
résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public,
lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses
par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires »
Et bien plus, la Cour ajoute « … peu important que la salariée soit ou
non directement en contact avec la public… »
Sans solliciter une quelconque expansion
du principe de laïcité dans notre société, notre association s’inscrit dans la réflexion
laïque qui souhaite une neutralité confessionnelle dans le cadre de toute
activité éducative laïque, à commencer par la petite enfance.
Dans le même temps, le Conseil constitutionnel,
tout en considérant que la
laïcité de la France proclamée dans l'article 1er de sa
Constitution implique que la République "ne salarie aucun
culte", a estimé que la laïcité n’a pas pour but de "remettre
en cause des régimes particuliers qui demeurent applicables sur certaines
parties du territoire de la République"
La
République est pourtant une et indivisible.
Ne
perdons donc pas de vue notre objectif :
la constitutionnalisation des articles
1 et 2 de la Loi de 1905, pour faire en sorte que le principe de laïcité ne
soit réduit à « une peau de chagrin ».
Emmanuel
PARDO, Président de l’association loi de 1905
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